Lorsque l'on prend goût à ce type de course, on y revient. C'est mon cas sur cette Via Aragon, qui empruntait les 7 premières étapes de la Trans-Espagne. J'avais une forte envie de vacances sportives, au sein d'une organisation aux petits oignons, dans la bonne humeur des coureurs, organisateurs et assistants. C'est une épreuve qui n'est pas toujours facile, car chaque jour, nous partons pour une course, comprise entre 46 et 75km, sur un profil de route assez ondulé, avec un cumul de D+ réel un peu en décalage du D+ annoncé. Disons que le D+ annoncé, est souvent hors taxe.
Je suis arrivé sur la Via Aragon, en forme et sans blessure. Equipé pour en profiter. Les deux premières étapes se sont bien passées, en gestion de l'effort, sans me soucier de la concurrence, centré sur mon physique et mon psychique. Une petite douleur sur le mollet gauche, s'est alors invitée peu avant mon arrivée à Ayerbe. Celle-ci s'est développée en intensité, en couleur et en forme lors de la troisième étape, sans toutefois altérer mon allure. Par contre, l'inquiétude grandissait. Décision fut prise de glacer fortement cette inflammation du releveur et sur conseil de Fabrice, d'y appliquer un patch anti-inflammatoire pour la nuit.
L'étape 4, assez plane, mais face au vent fort, malgré la douleur et la gêne liée au releveur gauche, en adoptant un rythme de sénateur, m'a conforté dans le fait que je pouvait continuer l'aventure, en espérant maitriser l'inflammation.
Mais voilà, les étapes 5 et 6, de 75km chacune, profilées à souhait, arrivant au menu, il a fallu réfléchir à une stratégie de course, pour passer les embuches sans perdre le goût au plaisir. Cette stratégie que j'ai adoptée, je l'ai appelée "confort". C'est à dire, avoir le moins souvent possible la sensation de peiner, de forcer. Alterner fréquemment marche rapide et course dynamique, en me donnant des micros objectifs entre deux bornes routières, deux buissons ou deux tâches de bitumes sur la route, par exemple. De cette façon, l'esprit est en permanence sollicité, et il est moins tenté par la gamberge. Le temps passe plus vite, le physique s'use moins vite, et les kilomètres défilent correctement. Cerise sur le gâteau, l'inflammation du releveur, s'est non seulement ralentie, mais a même régressé. Et ce constat, pour ma part, c'est une première et une grande satisfaction, car à un moment, je me demandais si j'étais prêt à souffrir comme sur la Trans-Espagne, il y a un an. Avec cette façon de courir, en introduisant plus de marche active, même sur le plat, a fatalement entrainé une régression sensible de la vitesse moyenne et une petite régression au classement, mais à contrario, une joie intense à être encore sur la route, à redécouvrir ces beaux paysages du centre de l'Espagne.
Et puis, pour la dernière étape, un peu moins longue, mais carrément pas facile avec ses multiples "patates" interminables, j'ai gardé la même façon de faire, en oubliant complètement la compétition, une déconnexion totale, à tel point, qu'à l'arrivée à Vadillos, je ne savais même pas à quelle place du classement je figurais, et encore moins mon temps de course final. Depuis, je me suis renseigné : 25 partants, 21 arrivants, je termine 6ième, en mettant 54h35'10" pour 425km. Cela fait une moyenne de 7.80km/h TTC, c'est à dire arrêts ravitaillements compris. Et de tout cela, j'en suis satisfait.